[12.03.09] Les bouquets funéraires

Les bouquets funéraires des bords de route: la fatalité mise en scène
Laetitia Nicolas Ethnologue indépendante (Alpes-de-Haute-Provence, France)

La pratique de poses de bouquets de fleurs sur les lieux de crimes ou d'accidents mortels, en particulier de voitures, connaît un grand essor dans différents pays. Elle appelle parfois de la compassion, intrigue souvent et dérange aussi… Une étude anthropologique réalisée dans le sud de la France (depuis 2004) auprès de «poseurs de bouquets», sur ce qui apparaît souvent comme un «nouveau rite funéraire», permet de s'interroger sur cette évidence: un bouquet de fleurs posé dans un endroit où sa présence n'a pas lieu d'être renvoie automatiquement à la mort et au souvenir.

Outre les nombreuses questions qu'un tel objet d'étude pose en matière de méthodologie (anonymat des bouquets, imprévisibilité des poses, difficultés pour rencontrer des informateurs qui acceptent de témoigner sur un sujet aussi tabou et douloureux), il présente l'intérêt d'ouvrir de nombreuses pistes de réflexion. Parmi celles-ci: la place actuelle de la «mauvaise mort» dans le corps social, la notion de rite funéraire, de culte au défunt, l'exposition de soi et des sentiments, et la relation établie avec les vivants.

Ainsi, après avoir dégagé les caractéristiques matérielles de ces «bornes de mémoire», nous nous interrogerons sur la nature de ce qui est commémoré à travers la mise en scène de ces végétaux et de ces objets. Ces fleurs de bords de route peuvent-elles nous donner des indices quant aux pratiques contemporaines que l'Homme met en place avec la mort? Ou bien ces circonstances funéraires et commémoratives parlent-elles d’autre chose? Quelles sont leurs fonctions intimes et collectives? A quoi est dû ce besoin de marquage public qui multiplie les lieux de souvenirs?

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